je le croyais immortel.

Bruno avait si peur de la mort, je le blaguais parfois : « tu m’enterreras » lui disais-je.

Rupture d’anévrisme.

C’est rapide, efficace.  Cadeau pour lui… de noël.

Ce que je me dis, ce que nous nous disons tous dans le creux de l’oreille à se téléphoner pour se réconforter.

Et nous, un peu perdus.

Son dernier message, le matin de noël, plein de tendresse, à 10h49.

Ma réponse quelques minutes plus tard, peut-être l’a-t-il lue, peut-être pas.

Quand on n’est pas proche des proches, on ne sait rien des détails, on les apprend plus tard.

Je n’irai pas à l’enterrement. Il y aura foule.

Je n’ai pas envie de me perdre dans cette foule.

Je ne crois pas aux prémonitions, mais il est des circonstances particulières où je pourrais me laisser bercer par les signes:

– Un ami avait rêvé de lui la veille de noël et m’a raconté que dans son rêve Bruno m’offrait de la mousse.
– J’ai croisé une de ses amies de toujours, elle que je ne vois que trois à quatre fois par an, elle est passée devant la maison au moment où je sortais. On s’est dit bonjour, comme d’habitude, mais je ne savais pas encore. Elle n’a rien dit et rien dans son regard aurait pu me laisser supposer que…
– L’amie avec qui je déjeunais hier m’a offert un ouvrage des photographies de Doisneau et j’ai pensé à lui, on le feuilletterait  ensemble.

Il était mort depuis deux jours déjà.

Je le croyais immortel.

Le jour de noël, comme Charlot, il a salué la vie à jamais.

 le baiser poème

J’ai souvent écrit autour de ses noirs et blancs. Ses paysages, sa poésie, son regard sur les courbes, les lignes, les gris.

Il me racontait mon talent… c’est à cause de lui que j’écris. Je n’aurais jamais osé sans son appui, ses critiques, ses larmes parfois quand il était touché.

Mon dernier récit : il a aimé ma Florence, elle l’a bouleversé… sa gentillesse, bien sûr, il ne lira jamais le suivant.  Nous ne feuilletterons pas le Doisneau des Alpes, nous ne parlerons plus de Cartier Bresson, de son prochain film, nous ne parlerons plus.

De rien.

J’écouterai de ci, de là, ses propos dans tel ou tel making-of d’un des films de l’atelier vidéo, juste pour l’entendre encore.

http://www.dailymotion.com/video/xln8hz_making-of-embarcadere-web-hd_creation?start=335

J’écouterai encore Wagner, Erda, le Walhalla… Othello de Verdi aussi.

Le professeur est mort.

Mon collègue, sa chorale, sa passion pour l’opéra. Mon confident, mon ami depuis plus de trente ans…

A jamais.

A jamais immortel dans mes pensées.

http://fiction.cypiee.fr/

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14 réflexions au sujet de « je le croyais immortel. »

  1. Quichottine

    Il y a ceux que l’on n’oubliera jamais, c’est en cela qu’ils sont immortels…
    Bruno, je me souviens de lui… Il m’avait écrit la première fois que j’ai parlé de toi… et aussi de lui… dans la bibliothèque…
    http://quichottine.fr/2008/12/martinepolly.html#li-comment-25887

    C’était un échange incroyablement émouvant pour moi alors… et il le reste aujourd’hui alors que j’écrivais dans mon nouveau chez moi ta page à toi… qui paraîtra tout à l’heure avec un PS en hommage à votre amitié.

    Le professeur est mort… mais l’ami, le confident, le mentor restera à jamais dans ton cœur, dans celui de tous ceux qu’il a aidé au fil des ans, de tous ceux qui l’ont aimé.

    Je t’embrasse très fort ma Polly… Très très fort.

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  2. fab

    que peut on dire… juste t’embrasser tendrement et laisser pleurer nos coeurs avec le tien, être proches par la pensée, la douceur d’aimer
    bisous très très très doux

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  3. polly Auteur de l’article

    merci pour votre présence chaleureuse.
    je vais de temps à autre publier les textes que ses photos m’avaient inspirée.

    Il n’y aura pas de clap final, il sera au-dessus de mon épaule quand j’écrirai, je le sais.

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  4. azalaïs

    Je découvre cet article avec retard et je suis émue bien sûr par cet éloge
    tu as eu beaucoup de chance malgré tout de pouvoir cheminer à ses côtés de trouver en lui un soutien si précieux et il cheminera à jamais à tes côtés
    jet’embrasse

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  5. Nickyza

    Alertée par Quichottine, je viens toquer à ta porte, Polly, juste pour déposer quelques mots pour alléger ta peine…Quelle triste fin d’année pour toi…ton ami cependant vivra toujours dans ton cœur; il restera toujours ces images qu’il t’enverra de là-bas, et toujours il guidera ta plume !
    Douce soirée à toi.
    Nickyza

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  6. elise

    Une petite ballade dans les allées de la nouvelle bibliothèque de Quichottine ,et je vois ce billet .
    Pour toi Polly ,une pensée chaleureuse dans ce moment si pénible. Une grande et longue amitié qui s’éteint si brutalement. Que ces mots simples t’apportent un peu de réconfort. Elise.

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